Lecture coup de coeur >> BACHA POCH
de Charlotte Erlih
aux éditions Actes sud Junior, 13.50 €
Il n’est pas simple de monter une équipe d’aviron aujourd’hui dans Kaboul boulversée par l’insécurité et la précaire stabilité politique. Mais Farrukh et ses camarades d’une quinzaine d’années s’obstinent à s’entraîner pour créer la première équipe nationale, tous animé d’une union de corps et d’esprit. Farrukh est le barreur : il dirige l’embarcation, donne la cadence, motive la troupe. Il réussit à négocier le don d’une embarcation de compétition livrée par l’armée française. Avec ce nouveau bateau, l’équipe progresse rapidement et elle a toutes les chances d’être retenue aux sélections des jeux olympiques.
Mais un jour, alors que l’équipe sort du vestiaire pour rejoindre leur barreur, la pierre sur laquelle Farrukh a l’habitude d’attendre est vide. On cherche, on interroge. Farrukh est parti chez lui en courant.
Sans même prendre le temps d’ôter ses chaussures, Farrukh hors d’haleine, se précipite dans la salle de bain. Devant le miroir, il baisse son pantalon et découvre avec effroi le sang qui m’accule son entrecuisse. Car Farrukh est une fille, son vrai nom est Farrukhzad.
Les parents de Farrukhzad n’ont eu que des enfants-filles, et comme le permet la tradition afghane, ils ont fait de la benjamine un bacha posh. Farrukhzad se souvient ; elle ne voulait pas devenir un bacha posh, elle refusait de se travestir en garçon avec autant de véhémence qu’elle refuse aujourd’hui d’être reléguée au rang de fille.
Farrukhzad est livide devant le miroir. Tout est fini. Elle doit renoncer à la liberté dont jouissent les garçons. Le silence s’insinue avec la froideur d’une prison.
Ce roman jeunesse à découvrir à partir de la 5/4
ème pousse cette horrible tradition afghane dans ses ultimes retranchements en montrant toutes les difficultés à préserver son identité et les ambiguïtés qu’elle peut susciter. Le récit sportif sert de support : comment Farrukhzad/Farrukh vont-ils réussir à qualifier l’équipe d’aviron dans un monde aussi misogyne ?
Il faut signaler la parution d’un témoignage chez Michel Lafon,
Je suis une bacha posh de Ukmina Manoori, qui permet d’avoir un autre regard sur cette tradition d’un autre temps mais toujours d'actualité.
Nonoko